Faut-il avoir peur de la décroissance?

 La BPI Centre Pompidou organisait le 4 janvier une conférence sur le thème de la Décroissance. Alors que le mot continue à faire peur et que ses partisans restent souvent considérés comme d’étranges et naïfs réactionnaires qui ne connaissent rien à l’économie, voyons d’un peu plus près, à la lumière de ce débat, ce que recouvre ce concept.

Le débat (ré-écoutable en intégralité ici) rassemblait Fabrice Flipo (philosophe), Florence Jany-Catrice (économiste), Claudia Senik (économiste) et Michel Lulek (membre du Réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires- R.E.P.A.S). Il était animé par Eric Dupin, journaliste et chroniqueur, qui vient d’écrire un livre qui retrace son « Voyage en France », au cours duquel il a sondé l’état d’esprit général des français face aux évolutions spatiales, économiques et sociales du pays. Plus de précision sur les intervenants ici.

Pour introduire la question Eric Dupin rappelait que la décroissance est déjà en route. L’Insee a calculé que le PIB de France aura chuté au cours du dernier trimestre 2011 et du premier trimestre 2012. Florence Jany-Catrice nous parlera de la pertinence du PIB pour le calcul de la santé économique et du bien-être. Claudia Senik nous explique que si la croissance ne rend pas heureux, la décroissance, elle, pourrait nous rendre malheureux. Fabrice Flipo répond qu’il est possible de sortir d’une conception du progrès basée sur la croissance économique, et Michel Lulek nous fait part de ses expériences concrètes au sein du réseau REPAS qui offre une autre vision du jeu économique et social.

Le PIB indicateur de richesse? Quelle richesse ?

Florence Jany-Catrice

La dénonciation des limites du PIB comme indicateur de richesse est aussi vieille que l’indicateur lui-même. Celui qu’on considère comme le fondateur des comptes nationaux et du revenu intérieur, Simon Kuznet (1905-1985) mettait déjà en garde face au risque de faire du PIB un indicateur du bien-être collectif ou de la somme de bien-être individuels. Malgré cela, la hausse du PIB est progressivement devenue une fin plutôt qu’un moyen.

Le PIB est indicateur qui a ses qualités :

D’abord nous dit la co-auteur de « Les nouveaux indicateurs de richesse», il est une mesure extrêmement synthétique, qui permet, à travers la monnaie, de donner une idée de l’ensemble des productions, pourtant très hétérogènes. Simple à calculer et à utiliser, il a aussi comme avantage non négligeable d’être applicable universellement, et donc de permettre de comparer.

Mais qui comporte aussi de nombreuses limites :

–          Un indicateur périmé ?

Le PIB reste un construit social, qui a émergé dans un contexte particulier; celui de 1929, puis de la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, quand il s’agissait de reconstruire sur une base industrielle et marchande. Aujourd’hui la richesse créée en France est constituée pour environs les deux tiers de services. Le fait que le PIB calcule des volumes plutôt que des valeurs pose de nombreuses difficultés pour l’évaluation de la valeur créée par cette économie de service.

–          Plus égal mieux? Plus pour qui ?

Le PIB calcule les échanges marchands et monétaires quels qu’ils soient. Une marée noire, un incendie, un accident gonfleront le PIB. Par contre, la préservation de l’environnement, de la cohésion sociale, l’amélioration du niveau d’éducation, un soin domestique  ne seront pas pris en compte dans le PIB s’ils ne passent pas par un échange monétaire et marchand. Le PIB est donc a-moral et a-éthique. Autre limite essentielle : le PIB est indifférent à la répartition des richesses. Dans leur rapport sur les Nouveaux indicateurs de richesse, Stigliz, Sen et Fitoussi rappellent que la croissance aux Etats-Unis ne traduit une augmentation de revenu que pour le centil supérieur de la population. Les 99% n’ont pas bénéficié de la croissance.

–          Le PIB est un indicateur de flux, pas de patrimoine

Il ne prend en compte que les FLUX de marchandise et monétaires. La dilapidation du patrimoine culturel, social et environnementale peut passer tout à fait inaperçu aux yeux du PIB.

Face à ces limites, les initiatives pour mettre en place de nouveaux indicateurs ne manquent pas : Indice de Développement Humain, Index de la Planète Heureuse, Produit Interieur Doux … Pourtant, aucun n’est encore parvenu à détrôner le PIB. Le chantier est ouvert.

« La croissance ne rend pas heureux mais la décroissance nous rendrait malheureux »

Claudia Senik

Claudia Senik se dit ne pas être une spécialiste du concept de décroissance, ni en être convaincue.

Elle pose la question si il faut renoncer à la croissance à cause des limites écologiques, ou s’il faut y renoncer car elle de toute façon, elle ne rend pas heureux.

Dans la recherche d’indicateurs alternatifs, on demande aux gens leur ressenti, s’ils se considèrent heureux, satisfaits de leur vie. L’économiste trouve cette démarche intéressante car elle est « démocratique ». C’est le citoyen lui-même qui décide de ce qui le rend heureux, pas un indicateur établi par des technocrates.

Lorsqu’on met en relation le PIB (le revenu) avec le bien être, on constate, en instantané, un lien extrêmement fort entre les deux variables. Sur le court terme, le sentiment de bonheur suit clairement les fluctuations économiques.  De manière constante, partout, les plus riches se disent plus heureux que les pauvres (toutes choses égales par ailleurs). Mais à partir d’un certain niveau de revenu, l’effet d’une hausse de celui-ci a un effet de plus en plus faible sur la hausse du bonheur.

Surtout, Richard Easterlin a établit le paradoxe qui est que, sur le long terme, en tendance, le bonheur déclaré par les gens ne suit pas le PIB. Au Etats-Unis, alors que entre 1970 et aujourd’hui, le PIB a été multiplié par deux, le bonheur, en tendance, n’a pas bougé. Conclusion : sur le court terme, le bonheur suit le PIB, mais pas sur le long terme. Easterlin conclut que la croissance ne rend pas heureux. Claudia Senik estime que la question reste posée.

Elle explique le paradoxe d’Easterlin par deux phénomènes : le premier est que la richesse, et le sentiment de bonheur qui y est lié est relatif. Il proviendra surtout d’une comparaison avec ce qui nous entoure et en premier avec son voisin ou son collègue. Le deuxième élément fondamental, c’est l’habitude, l’adaptation. Le bonheur est relatif à ce que à quoi les individus s’attendent. Une fois obtenu l’objet ou le confort tant désiré, on s’y habitue et oublie de s’en réjouir. On se mettra à attendre quelque chose de supplémentaire.

En fait, ce qui importe dans le sentiment de bonheur, c’est l’impression ou l’anticipation d’une progression, la perspective.

Ainsi, pour étudier le sentiment de bonheur et son évolution, il faut prendre en compte 3 variables :

–          La comparaison (avec les autres, avec ce que j’avais hier)

–          L’adaptation (ou l’habitude)

–          L’anticipation, la perspective

Or, Claudia Senik craint que la décroissance ait un résultat négatif sur ces trois éléments, et donc qu’elle nous rende malheureux. Ce triptyque n’échapperait donc pas aux modèles alternatifs à celui basé sur la croissance.  Son point de vue est que la décroissance ne permettrait pas forcément de résoudre les questions de « coordination » (de gouvernance internationale) qui existent dans le système actuel. D’autant plus que celui qui continuerait à croître alors que les autres décroissent deviendrait plus puissant. Dans ce cadre, comment accepter de décroître. Conclusion, la décroissance de résoudra rien.

« La croissance n’offre une solution à aucun de nos maux » :

Fabrice Flipo

             L’auteur de « La décroissance en dix questions » nous explique que la croissance ne résoudra aucun des principaux maux de cette planète. Surtout, si on s’imagine que la décroissance ne rend pas heureux, c’est parce qu’on a fondé nos critères sur la croissance.

La notion de décroissance comporte 5 courants :

  1. La thèse écologiste : fondée sur la pensée de personnalités comme A. Gorz,  avec comme logique principale que les ressources écologiques sont limitées, et que donc, forcément, une croissance illimité créera du manque, de plus en plus de manque. Une partie de plus en plus réduite de la population aura accès aux ressources raréfiées. Les inégalités et les besoins se creuseront.
  2. La décroissance est déjà là : Ici, l’idée est simplement de faire constater que, dans tous les secteurs, les rendements commencent à être décroissants. Le pic de pétrole a eu lieu en 2006. L’accès aux ressources naturelles est de plus en plus cher, risqué, polluant… L’économie est déjà au ralenti, mais le PIB ne sait en rendre compte. La décroissance est un phénomène naturel. Elle est inévitable.
  3. Le courant démocratique : ici, on dénonce surtout le fait que la croissance creuse les inégalités, de manière de plus en plus incontrôlable. Il s’agit de réduire nos besoins de consommation et de relocaliser pour reprendre le pouvoir sur nos vies.
  4. D’autres civilisations sont possibles que celle basée sur la croissance : C’est le courant représenté par Serge Latouche : il est nécessaire de changer de civilisation. D’autres civilisations ont et peuvent exister, qui ne soient pas basées sur la consommation et la prédation.
  5. La « grande pause » : C’est le courant représenté par Pierre Rhabbi, qui a une orientation davantage spiritualiste. Face à la croissance qui ne rend pas heureux, il s’agit de donner libre cours à notre personnalité.

La décroissance est quelque chose de nouveau dans nos sociétés. Pourtant, nous sommes la seule civilisation à avoir comme fondement la croissance matérielle. Une autre civilisation, un autre mode de fonctionnement et de pensée est possible.

« Croître ou conduire, il faut choisir »

Michel Lulek

 Michel Lulek est venu nous parler de son expérience concrète et de celle de ceux qui, dans la même démarche, ont lancé une activité économique basée sur autre chose que la recherche inconditionnelle de croissance. Pour lui, la notion de décroissance est apparue du fait que celle de Développement Durable a été largement surexploitée, sur-récupérée par le marché dominant. Par contre, la notion de décroissance n’est pas récupérable par les gros acteurs économiques et politiques.

Même s’il considère que la décroissance ne constitue pas un modèle en soit, il nous explique de nombreuses initiatives allant dans son sens existent en France. Il ne s’agit pas forcément de décroître mais de remettre la croissance à sa place, de ne pas en faire une priorité absolue. C’est sur cette démarche que se posent le Réseau d’échanges et pratiques alternatives. Deux exemples de démarches parmi ce réseau d’entreprise:

-Une entreprise de textile avait refusé à un entrepreneur japonais une commande qui représentait 50% de leur production. Non pas qu’ils ne faisaient pas confiance à ce client, mais ils risquaient ainsi de perdre la main sur l’organisation de leur production.

– L’entreprise d’exploitation forestière fondée par Michel Lulek, Ambiance bois, a renoncé à l’extension du domaine d’exploitation forestière, pour en préserver l’espace.

Il est donc possible d’envisager d’autres fonctionnements économiques. Les idées majeures étant de garder la main sur le processus de production, d’utiliser les ressources locales, de remettre l’humain au cœur du processus, et de « travailler moins pour vivre plus ».

Et vous, vous en pensez quoi?


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Résultats de Durban : comment continuer à voir vert quand tous les voyants sont au rouge?

La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de Durban (ou COP17) s’est terminée ce dimanche 11 décembre après plus de 30 heures de prolongations. Les négociateurs ont donc travaillé jusqu’à épuisement total avant de se résoudre à signer le « paquet de Durban ». Négociations réussies ou échec inadmissible? La presse nous dresse un portrait mi-figue mi-raisin de la copie des négociateurs. Que faut-il en penser, où trouver un peu d’optimisme face à ces négociations trop lentes?

Pour me faire mon avis, j’ai eu l’occasion d’assister ce mardi soir à une conférence organisée par l’Association 4D qui rassemblait un joli panel composé de représentants des ONG, des syndicats, des cités et gouvernements locaux, et un éminent expert des négociations internationales sur le climat[1].

Commençons par rappeler les principaux éléments du texte sorti de Durban:

–                          Le Protocole de Kyoto (instrument le plus abouti de l’action international contre le changement climatique) est sauvé, même s’il a été lâché par le Canada, la Russie et le Japon.

–                          Un groupe de travail est établi, qui doit proposer d’ici 2015 au plus tard un accord mondial qui englobe tous les pays et qui doit entrer en vigueur à partir de 2020.

–                          Les pays « prennent note » de l’écart significatif entre ce que préconise la science et les actions promises jusqu’ici par les pays et note qu’il faut « relever les niveaux d’ambitions » de réduction.

–                          Certains éléments décidés à Cancun ont progressé, comme par exemple l’organisation d’un Fonds Vert pour le climat ou l’intégration de l’agriculture dans les actions. D’autres, comme le sujet des Forêts (REDD) ont bloqué.

Alors que tous les négociateurs savent très bien (ou sont censés savoir) quels sont les enjeux derrières ces grandes réunions internationales- les Organisations de la société civile et les récents et alarmants rapports des organisations internationales ne manquent pas de leur rappeler- on peut se dire, à voir leur copie, qu’ils se paient vraiment notre tête, qu’ils sont irresponsables, et on se demande alors ou est leur légitimité à nous gouverner. Climate Justice now, une coalition d’ONG internationales qui regroupe notamment ATTAC et les Amis de la Terre International s’indigne et estime que les décisions prises à Durban, (ou les non-décisions) « constituent un crime contre l’humanité ». Concrètement, il y a du vrai : l’enjeu et les solutions sont connus, mais une bonne partie des négociateurs, poussés notamment par les lobbys pétroliers et des visions purement égoïstes décident de ne pas agir. Les positions des Etats-Unis, de la Russie du Canada ou de l’Australie (entre autre) sont à ce titre exaspérantes. Difficile pour nous aussi au Citron Vert, de contenir notre colère face à cette irresponsabilité et cette terrible lenteur des négociations. Nous pensons que les bloqueurs devront payer pour leurs actes.

Cependant, même les représentants des ONG le conçoivent il y a eu des avancées, et le texte de Durban n’est pas vide. Le processus de négociations internationales ne s’est pas écroulé comme cela aurait pu arriver. L’expérience du protocole de Kyoto, initiative pionnière, continue et permettra de tirer des enseignements et de montrer la voie. Les pays ont tout de même décidé de préparer un accord qui englobe tous les pays d’ici 2015, qui permettra de prendre en compte les évolutions de la situation internationale. L’Union Européenne a réussi à mettre en place une coalition de taille autour des pays qui veulent réellement avancer, et qui regroupait à Durban les 3/5 des pays du monde. Le clan des progressistes prend donc de l’avance.

De même, Ronan Dantec, Président de l’organisation Cité et Gouvernement Unis, nous rappelle que, pendant que les Etats négocient, des villes et gouvernements locaux agissent. Les échelles locales sont en effet celles où sont réellement concrétisés les principes de développement durable. Et sur ce point, les choses avancent vite. En montrant des projets concrets, en étant le laboratoire des grands principes discutés dans les grands rendez-vous comme Durban, les villes créent une dynamique positive qui prépare le terrain à un accord ambitieux.

Côté syndicats, les choses avancent également. Alors qu’il y a quelques années encore, ils s’opposaient en masse à l’essentiel des mesures environnementales car craignant que cela se répercutent sur les emplois, la prise de conscience que la lutte contre le changement climatique est également une opportunité de création d’emploi et de repenser le travail a fini par gagner du terrain. Comme l’expliquait à cette conférence Thierry Dedieu de la CFDT, il est nécessaire de prendre le temps d’assurer et d’organiser la transition des travailleurs dans les secteurs polluants vers le secteur des technologies propres et vers l’économie verte et un nouveau modèle de développement.

Etant donné l’importance de l’accord international qui s’impose et tout ce qu’il implique, on peut finir par comprendre qu’il soit nécessaire de prendre quelques années (3-4, pas 20 !) pour assurer des bases solides, équitables et donc légitimes pour l’ensemble de la communauté internationale. Car ne nous trompons pas, derrière la nécessité d’un accord international efficace de lutte contre le changement climatique, c’est l’ensemble des relations internationales et du modèle économique de développement qui se joue. On ne pourra pas sauver le climat sans prendre en compte l’ensemble des aspects de la crise économique, financière et écologique mondiale. Ni nous ne pourrons espérer améliorer le bien être des populations sans lutter contre les dangers du changement climatique. Nous ne justifions pas ainsi le nombre des années perdues face à l’urgence climatique mais cherchons à prendre conscience de l’ampleur des changements nécessaires. Ainsi explique Pierre Radane, expert des négociations internationales sur le climat, ce qui sera sur la table des négociations d’ici les 3 prochaines années ce sera le retour ou une réforme de la régulation de l’ensemble des sujets internationaux (Justice/ équité, monnaie, commerce, scénario de développement…). Dans quelques mois auront lieu le G20, suivi d’un très grand rendez-vous : Rio+ 20. C’est une opportunité à saisir pour travailler ensemble vers un nouveau modèle de régulation internationale qui soit au service d’un nouveau modèle de développement, porté sur l’épanouissement humain et la préservation de l’environnement, au bénéfice de tous. Nous sommes de plus en plus nombreux, en Europe comme en Chine, à aspirer à cette alternative.

Le temps presse et il est urgent retourner l’équilibre des forces pour que 2015 voit naître un réel accord international digne de ce nom face à l’enjeu climatique. Aussi tentant soit-il de tomber dans le défaitisme et le cynisme, nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras, comme nous ne pouvons pas laisser nos politiques brader la énième « dernière chance » que nous offrent les grands rendez-vous de ces 3 prochaines années. Que pouvons nous faire de notre côté ? Continuons à mettre la pression sur les politiques, et surtout, ne les attendons pas pour agir et montrons leur par nos propres comportements et nos choix électoraux qu’un autre modèle de développement est possible est bénéfique à tous! Soyons les pionniers de ce nouveau modèle!


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Il y a urgence à ralentir !

Fidèle de l’Association 4D (Dossiers et débats sur le développement durable), et de leurs « Mardi de 4D », je me suis intéressé au thème du mois : « La vitesse est-elle durable? ». L’occasion de me pencher sur « La dictature de l’immédiateté», et les alternatives que constituent les mouvements de la lenteur.  

Dans La dictature de l’immédiateté-sortir du présentialisme (2010), Stefen Kerckhove vient, à la suite de André Gorz (1997), Pierre-André Taguieff (2000), Zaki Laïdi (2002)[1] et bien d’autres, constater que l’homme moderne s’enferme dans un rythme si rapide qu’il en est réduit à ne plus penser qu’au présent, à l’instant,  oubliant toute notion de temps long, perdant la capacité à prendre du recul sur les évènements. Paradoxalement, la profusion d’outils de communication finit par isoler l’individu du monde qui l’entoure et le noie dans un flot d’informations trop rapide pour pouvoir y réagir. L’homme moderne pilote à vue dans un monde en perte de sens et détruit tout, dont lui-même, sur son passage. Sans résumer l’ensemble du livre ni se limiter formellement à ce qui s’y trouve, les lignes suivantes vous aideront à comprendre, à travers des thèmes choisis ce qui pousse à parler de dictature de l’immédiateté.

–          L’information:

Télévision, Internet, Twitter, l’information fuse et chaque scoop vient en remplacer un autre en quelques secondes. La profusion d’informations réduit « le temps de vie » de chaque nouvelle. Le média doit faire vite et frapper fort pour attirer l’attention d’un public devenu consommateur plutôt qu’acteur. Pour vivre, une émissions de télévision, un site Internet doit sans cesse proposer du scoop, du neuf. Pas le temps de s’étaler sur le sujet, l’important est d’attirer l’oeil, le sentiment. La forme prend le dessus sur le fond. Du coup, les faits divers et grandes phrases sont privilégiés. Or Pierre Bourdieu (1997) expliquait que « le fait divers intéresse tout le monde sans tirer à conséquence et il prend du temps, du temps qui pourrait être employé à dire autre chose. […]. Or, en mettant l’accent sur le fait divers, en remplissant ce temps avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques[2] ». Par le matraquage, la télévision créée le consentement de la population au système ultralibéral, à l’image des cours de la bourse dont on tient le peuple informé en permanence. Les autres émissions télévisées finissent le travail pour rendre les cerveaux disponibles au matraquage publicitaire. Si l’Internet offre de nouvelles opportunités d’expression, il contribue également à accélérer le rythme de l’information et de son traitement.

–          Le travail:

Qui, dans son milieu professionnel n’a pas le sentiment que les choses vont trop vite, que tel ou tel dossier, client ou patient mériterait qu’on s’y arrête plus longtemps? Qui ignore la montée générale du stress au travail, pour des objectifs de « rentabilités » toujours plus fous, mettant de côté tout le reste, qui pouvait faire sens dans un travail? Dans le monde du travail aussi, le temps long est durement attaqué: sous la menace constante de la délocalisation ou de restructuration, il faut produire, toujours plus, toujours plus vite, en flux tendu. La structure des entreprises change toujours, sous le coup des fusions-acquisition, et avec elle, la responsabilité et les comptes en banques des dirigeants sont dissimulés. L’entreprise ne peut plus penser qu’à l’échelle du temps du cours de l’action. La prétendue responsabilité sociale et environnementale des entreprises vient mal dissimuler  l’incapacité et le non vouloir des entreprises à assumer les conséquences sur le long terme de leurs actes. CDI et syndicats laissent la place à l’intérim et au travailleur seul contre tous, au salarié journalier. On ne veut plus prendre la peine de former les jeunes à qui on demande de faire un énième stage, et on cherche à se débarrasser de tout matériel humain vieillissant. Les nouvelles conditions d’embauche permettent d’exploiter l’individu à fond sans avoir à subir les conséquences psychologiques ou physiques de cette exploitation. Et dans cette société, si l’individu ne s’en sort pas, c’est qu’il ne l’a pas mérité. Il n’a qu’à travailler plus pour gagner plus.

–          La technique:

Stefen Kerckhove déplore que « la technologie incarne la nouveauté, valeur essentiellement positive, incontestable, à moins de vouloir prendre le risque d’être catalogué parmi les affreux conservateurs ». Ainsi, toute nouveauté technique est adoptée sans réflexion sur l’intérêt réel, fondamental qu’il peut fournir à nos vies. Comme le souligne Jacques Ellul dans Le bluff technologique (2004), « les effets positifs d’une entreprise technique sont acquis de suite, sont ressentis aussitôt […] alors que les effets négatifs se font toujours ressentir à la longue, après expérience ». La publicité aidant, l’individu est appelé à toujours mettre à jour son équipement, à suivre le mouvement sinon lui fait-on comprendre, l’exclusion sociale le guettera. Le rythme de mise sur le marché des produits est trop rapide pour qu’on puisse en connaitre les impacts réels sur la santé. Les groupes de téléphonie tentent de taire les impacts évidents de leur secteur sur la santé. Priorité au marché. Le secteur doit se développer, et vite. Si l’idée dominante est que la technologie permet de simplifier nos vies, on se rend compte qu’en réalité, bien souvent, elle la complique. Stefen Kerckhove nous montre aussi comment la technologie nousfait perdre la notion de durée: la voiture, tant étudiée par les écologistes, permet de ne plus être contraint par les contraintes horaires des transports en commun. La climatisation assurant une température constante contribue à nous faire oublier les saisons, tout comme la disponibilité de tous fruits et légumes à tout moment. L’attente devient intolérable dans cette société technique: les smartphones nous permettent de rester connectés à la dernière « breaking news »… Le TGV et l’autoroute partent de l’idée que tout déplacement d’un point à un autre est une perte de temps, isolant les espaces sur lesquels ils ne s’arrêtent pas.  Cette société technique est aussi une société qui casse le vrai lien social: on parle à son Iphone plutôt qu’à son voisin où à l’autochtone du pays qu’on visite, les outils de communication nous permettent de rester connecté au monde « connu » et d’éviter de côtoyer l’inconnu. Tout va trop vite, donc tout doit être filmé, enregistré. Exercice pratique: allez voir la foule devant la Mona Lisa au Louvre:  comptez combien de personnes prennent le temps de la contempler ne serait-ce qu’un instant, avant de la bombarder de flash?

–           La publicité:

Elle joue bien sûr un rôle capital dans ce conditionnement, cette accélération permanente, cette société en perte de sens où il y aurait urgence à acquérir le dernier outil, ou profiter du dernier service indispensable, pour rester « branché ».   Elle est partout, nous suit dans chacun de nos pas, chacun de nos clics pour nous faire gober que tout ce qui est vieux est forcément caduque et à jeter. Une énergie humaine et physique immense est mise à sa disposition. Un chiffre vaut mieux qu’un long paragraphe: en 2004, en France, plus de 20 milliards d’euros étaient investis dans la publicité- trente fois plus que le budget du ministère de l’environnement de l’époque. Une question : pourquoi?

–          Le politique:

Acteur, ou victime, le politique n’a plus qu’à s’adapter et servir cet « Etat d’urgence ». Avec la « fin de l’histoire », l’utopie n’est plus permise. Et puis il faut répondre à l’urgence des marchés financiers et autres désastres réels ou potentiels. Naomi Klein a très bien démontré dans La stratégie du choc (2007), comment créer des conditions d’urgence réelle ou prétendue permet de faire passer tout et n’importe quoi au citoyen. Dans l’attaque du gouvernement actuel sur les effectifs dans l’administration (le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux), Stefen Kerckhove voit aussi l’attaque par le libéralisme de ce qui assure la continuité dans le traitement des dossiers et donc le temps long : « Inamovible, grâce à la sécurité de l’emploi, hermétique à toutes pressions d’ordre politique ou économique, cette administration a un pouvoir, celle du temps long ». Il souligne plus loin que « la dérégulation des marchés repose sur le renoncement du politique à dépasser les contingences d’un présent autarcique ». L’actualité illustre à merveille cet état de fait. D’un côté, la situation actuelle est le résultat d’années de gestion au coup par coup, de manière irresponsable, des finances publiques. De l’autre, face à l’urgence de cette dette, des anciens « barons de la finance » sont mis à la tête de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie, pour mener des politiques de rigueur, qui mettent à sac la santé et l’éducation des populations. Pour exister, l’homme politique doit s’adapter au format qui lui est imposé, face à un électeur consommateur, habitué au « storytelling[3]», et conditionné pour oublier le lendemain les belles promesses préparées par les professionnels de la communication. Ainsi explique l’auteur, « déboussolés par la fin des utopies, les partis politiques naviguent à vue et s’évertuent à gérer, à l’aide de sondages, les attentes du public ». Le long terme n’existe plus si ce n’est dans les discours toujours plus beaux et graves, sur l’urgence écologique par exemple, mais sans lendemain, puisque demain, aujourd’hui sera oublié. Les domaines comme la protection de l’environnement, la prévention de la santé, l’éducation, la recherche demandent du temps long pour produire des effets, que le personnel politique ne pourra valoriser pendant son mandat. Ils sont donc les premiers sacrifiés de cette dictature de l’immédiateté. Même le monde associatif risque de s’embourber dans ce cadre. Pour attirer l’attention du public, pour exister, il choisit parfois lui aussi de s’adapter à la demande. Il adopte alors les mêmes techniques de communication, d’évènementiel que le secteur marchand et se paient une place parmi les affiches publicitaires. La multiplication des « flash mob » symbolise cette adaptation à un public qui ne voit plus que le spectaculaire et risque à tout moment de passer à un autre sujet. A trop adopter les techniques du monde « présentialiste », ses contestataires risquent donc de se délégitimer.

Bref, 

Cet enchaînement de complaintes peut paraître caricatural et non fondé. D’abord, je tiens à rappeler que cet article ne résume pas l’ensemble des idées développées dans le livre de Stefen Kerckhove – dont je préconise vivement la lecture- et tous les exemples présents dans ce texte ne le sont pas dans le livre. Ensuite, en s’arrêtant un peu sur notre mode de fonctionnement, on trouve alors difficile de nier cette réalité et les dangers qu’elle comporte. Je vous laisse faire l’exercice avec l’exemple de Fukushima et du nucléaire… Le problème est en effet réel : une société qui vit dans l’urgence, qui perd la notion du temps long, qui n’ose plus rêver est une société qui court à sa perte. Sans temps long, pas de culture car, pour s’élaborer nous dit Jean Luc Porquet (2003), « la culture exige de la lenteur, et c’est justement ce qu’interdit notre époque technicienne ». Sans temps long, pas de responsabilité.  Au-delà de l’isolation et la désolation de l’individu, cette société de l’homme qui ne sait plus attendre ni prévoir mène à un véritable écocide. Pourquoi l’homme s’empresse-t-il ainsi d’épuiser tout ce qui l’entoure et qui garanti ses chances de bien être? Il y a urgence à ralentir! Remettre un peu de lenteur est nécessaire pour recréer du sens, du lien social, renforcer la démocratie et ménager nos ressources naturelles. C’est ce que met en pratique le mouvement Slow qui a commencé par s’appliquer à la nourriture (Slow food), à la ville (Citaslow) et multiplie aujourd’hui les domaines d’application. Ca vaut le détour…


[1] André Gorz, Misère du présent, richesses du possible, Ed Galilée, 1997 ; Pierre André Taguieff, L’effacement de l’avenir, Ed. Galilée, 2000 ; Zaki Laïdi, Le sacre du présent, Ed. Champs Flammarion, 2002.

[2] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Ed. Parangon, 2003.

[3] Voir sur ce sujet : Christian Salmon, Storytelling, Ed. La découverte, 2003

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Pourquoi la Région Ile de France doit-elle reconnaître la notion de « dette écologique »?

La Région Ile-de-France, avec le soutien de la Chaire Développement durable de Sciences Po et de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) organisait ce lundi 7 novembre un colloque sur la notion de « dette écologique ». L’organisation de ce colloque avait été demandée en 2010 par l’équipe de EELV qui se bat pour faire reconnaître cette notion dans les principes d’action de la Région[1]. Qu’entend-on vraiment par « dette écologique » ? Pourquoi fait-elle peur à ses opposants? En quoi serait-il bénéfique que la Région Ile-de-France reconnaisse cette notion et qu’impliquerait alors une telle reconnaissance?

Je ne peux dans cet article retranscrire l’ensemble des discussions et apports de ce colloque. On en trouvera une retranscription complète ici. Je tente simplement de faire ressortir les idées principales et d’initier le débat sur ce blog.

Qu’est-ce que la dette écologique?

L’idée générale du concept de « dette écologique » est que le développement des pays du « Nord» a reposé (et repose encore) en grande partie sur un « pillage » des ressources naturelles des pays du Sud et que, sans ce « pillage », la croissance et les niveaux de vie dans les pays du « Nord » auraient été bien plus faibles. Si le terme « pillage » ne fait peut être pas consensus, il y a en tous cas dans cette notion l’idée d’une sous-rémunération et que cette exploitation se fait au détriment des populations du « Sud », qu’elle a des conséquences sociales et environnementales. Les pays du « Nord» seraient donc redevables envers les pays du « Sud ». Comme le soulignait Jean Gadrey lors de son intervention, cette dette concerne quatre éléments: le carbone (le Nord a déjà utilisé la majeure partie du « budget carbone mondial »), la bio-piraterie, l’extraction des ressources naturelles, et l’entreposage de déchets dangereux (ou pollution). Voir son article qui détaille le concept, ou comment EELV la définit dans sa proposition d’amendement[2].

–          Emergence et évolution du concept:

La notion de dette écologique a été forgée au début des années 1990 par l’Institut d’écologie politique. Elle fait alors allusion à la responsabilité des pays riches dans la diminution de la couche d’ozone et donc de l’augmentation des cancers de la peau au Chili. Elle a rapidement été développée par un certain nombre d’ONG lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, puis à Johannesburg en 1999 où se met en place une campagne internationale pour la reconnaissance et la réclamation de la dette écologique. Dès Rio 1992, cette dette écologique est opposée à la dette extérieure due par les pays du « Sud » aux pays du « Nord » (également appelée « dette odieuse ». Le message porté est que si les pays du « Sud » ont des dettes financières vis-à-vis des pays du « Nord », ces derniers ont une dette écologique comparativement bien plus importante à leur égard. Elle est alors un argument fort pour l’annulation de la dette des pays du «Sud». Dette qui est d’ailleurs en elle-même considérée comme largement injuste et comme moyen pour les entreprises du  « Nord » de garder la main sur les ressources naturelles des pays du «Sud». La dette fait référence au passé mais également au phénomène de néo-colonialisme actuel.

Défendue depuis une vingtaine d’années essentiellement par des ONG et certains milieux académiques, l’idée de dette écologique semble cependant faire son chemin dans les milieux politiques et institutionnels, notamment en Belgique et à l’ONU. La question principale portée par ce colloque était de savoir à quel point cette notion peut devenir un principe d’action, et quelles seraient alors les implications, au niveau international et régional.

La dette écologique, une notion utile ou dangereuse ?

–          Une notion imprécise

Lorsqu’on développe la notion de dette écologique, on arrive très rapidement à toute une série de questionnements ou de limites, surmontables, ou non:

–    La dette concerne-t-elle des pays ou les individus? Faut-il tenir l’ensemble de la population des pays du  « Nord »pour responsables/ redevables, ou seulement les acteurs économiques et politiques directs ?

–    De quel « Nord » et de quel « Sud » parle-t-on ?

–     A quand doit-on faire remonter cette dette ?

–     Les populations des pays riches sont-elles responsables des actions des générations qui les ont précédées? Quelle dette aurons-nous vis-à-vis de nos descendants ?

–      Comment quantifier la dette ? Comment établir les responsabilités ?

Olivier Godard, Professeur à l’Ecole Polytechnique était chargé de critiquer la notion de dette écologique, et démontrer qu’elle ne pouvait pas être rendue opérationnelle. Il se dit gêné par la notion même de « dette ». Venant du monde des ONG, et ayant été créée pour un usage opportuniste pour annuler la dette des pays dits du Tiers-Monde, cette notion est pour lui un vague mélange de morale, de droit, d’économique et de politique, qui ne peut trouver sa place en droit positif, d’autant plus que le droit international est créé par les Etats et que ces derniers n’accepteront jamais d’intégrer un tel concept. Il pense également que les défenseurs de cette dette mélangent deux conceptions. L’une presque de l’ordre du religieux, inexpiable, et l’autre qui laisserait le « responsable » libéré une fois qu’il aurait payé celle-ci. Il y a alors un flou sur les intentions. Il se dit également perplexe du fait de l’aspect rétroactif[3] de ce concept (condamner pour des actes qui, lorsqu’ils étaient commis, ne constituaient pas une atteinte aux droits, les droits en question n’étant pas encore reconnus à l’époque des « crimes »). Au-delà d’arguments juridiques, il estime également que ce concept a de grosses limites en termes de logique, mais également de morale (dans le sens, par exemple, ou on ne peut selon lui tenir les générations actuelles responsables des les actes commis dans le passé). Ainsi, la notion de dette écologique, étant données ses faiblesses, ne rendrait que plus difficile encore un accord international et une coopération sur les enjeux environnementaux mondiaux. Il conclut en appelant à « faire du droit/de l’économie sérieusement ». Inutile de préciser que les contre-arguments ont fusé dans la salle et pendant les pauses.

Michel Rocard s’est également montré prudent sur ce concept qu’il considère comme « un peu fragile, sinon dangereux ». Le danger viendrait en effet de son manque de précision: où commence/ s’arrête la dette? De quels polluants parle-t-on? etc… Cependant, il souligne que cette notion a intérêt très fort dans le sens où elle intègre le passé, contrairement à celle du « développement durable ». Même si cela peut être un travail sans fin, il estime que tout travail de quantification permet d’avancer. Il conclut donc que ce concept est intéressant, mais qu’il faut rapidement traiter ses faiblesses.

Pour Laurence Tubiana, la question de la dette écologique a un intérêt certain, même si elle lui reconnaît certains risques, notamment sur la question du renoncement à l’exploitation de certaines ressources. Par exemple, certains pays pétroliers ont commencé, sur la base de ce principe, à réclamer des compensations pour le manque à gagner qu’ils auraient à ne pas exploiter leurs ressources pétrolières. Ce genre de comportements induits a provoqué de nombreux blocages dans les négociations internationales. Il y aurait ainsi un risque d’ouvrir une boîte de Pandore.

Cependant, l’arrivée de cette notion dans les débats a permis des avancées non négligeables en termes de justice climatique internationale, notamment en contribuant à la création du Fonds Vert, et en soulignant les questions de responsabilité. Les avancées en termes de soutien à l’adaptation pour les pays les plus vulnérables ont été favorisées par l’intégration progressive (et indirecte) de la notion de dette écologique dans les instances onusiennes. Elle conclut par l’idée que s’il est très difficile de s’accorder sur les chiffres, la question de la dette écologique permet indéniablement de faire avancer les choses.

Pour Jean Gadrey, professeur à l’université Lille-1, la dette écologique est une notion pertinente qui va gagner en importance, même si elle est encore un mélange de droit, d’éthique, de philosophie, qu’elle est encore multidimensionnelle et ambiguë. Il n’est pour lui pas raisonnable de condamner une notion si riche et importante sous prétexte qu’elle ne rentre pas dans certaines cases juridiques ou économiques. Il défend que c’est un concept jeune, donc naturellement encore flou, mais il donne des pistes pour le préciser (voir le CR du colloque). Pour lui, si les peuples du « Nord » peuvent ne pas être considérés comme forcément coupables, il reste nécessaire qu’une prise de conscience et un débat aient lieu sur cette « dette ».

Face à l’accusation de manque de clarté souvent portée aux concepts issus de la société civile, Andrew Simms, directeur de la New Economic Foundation et auteur de Ecological Debt: Global Warming and the Wealth of Nations (2009), fait remarquer que c’est de cette dernière qu’ont en général émergé les plus grandes idées. Rappelant les idées fondamentales du concept, il estime que la base des négociations sur le climat devrait se faire à partir d’un droit égal pour tout citoyen à l’exploitation du « budget carbone ». L’urgence n’est pas tant de concrétiser le concept que de faire entrer nos économies dans les limites de leur « budget carbone ». Et la notion de dette écologique est un très bon moyen pour avancer vers cet objectif.

Leida Rijnhout directrice de The Northern Alliance for Sustainability souligne qu’en utilisant les ressources (limitées) de l’écosystème, on empêche les autres de le faire. Il s’agit ainsi de partager de manière efficace la jouissance de ces ressources, et de les préserver. Pour elle l’idée est avant tout morale et ne constitue pas seulement une question d’argent. Ce n’est pas parce que le concept est vague qu’il ne doit pas exister, et elle croit en la créativité des juristes pour rendre cette notion concrète. L’important n’est pas tant que le concept s’opérationnalise, mais est plutôt  qu’il permette de faire évoluer les termes du débat.

Ce que pensent les élus de la dette écologique

Il est étonnant de voir la difficulté du groupe EELV à faire accepter ce concept qui parle pourtant d’une réalité indéniable et semble un moyen opportun de partir sur de nouvelles bases, plus saines. Est-ce dû à de la mauvaise foi, ou à un manque de conscience, de compréhension?

Ainsi, côté UMP, après avoir rappelé quelques constats comme celui que nous vivons au dessus des limites écologiques, Marie-Pierre Badré se montre très perplexe sur la reconnaissance de cette notion. Elle estime, comme Olivier Godard, que les générations actuelles n’ont aucun contrôle sur ce qui s’est fait dans le passé, que cette dette n’est pas quantifiable, trop difficile à quantifier monétairement, que le monde est plus complexe qu’un « Nord » d’un côté et un « Sud » de l’autre. Elle souligne que le principe de pollueur/ payeur peut permettre au pollueur de continuer à polluer. Elle en profite pour rappeler son opposition à l’idée de décroissance. Pour elle, de nombreux moyens d’améliorer la gouvernance et l’équité internationale existent, la défense d’une taxation sur les transactions financières en fait partie. A la question de comment mettre en œuvre ce concept pour la Région Ile-de-France, elle répond qu’il n’est pas dit que celui-ci soit inclus. Elle dit douter de la dynamique que pourrait créer une telle reconnaissance par la Région au niveau international, sous prétexte que « la région est quand même petite »…

Guillaume Balas, chef du groupe Parti Socialiste à la Région, estime que « des concepts non-concrets peuvent être nuisibles », « des concepts moraux, liant des peuples à des peuples sont inopérants ». Il trouve le concept de « dette » faux et contre-productif et préfère l’idée de « responsabilité commune mais différenciée ». Il fait également part de ses craintes de voir cette notion mener à une vision manichéennes entre un « Nord », et un « Sud ». Mais, pour lui, de nombreuses idées et actions sont en train d’émerger à travers les Etats généraux la conversion écologique et sociale. De nombreuses actions de la Région vont dans le bon sens, et la Région a une responsabilité à aider et convaincre les régions du « Sud ». Cependant, le principe de dette écologique n’est pas accepté pour autant.

C’est du côté du Front de Gauche, avec Gabriel Massou, que le soutien à l’idée portée par EELV est le plus fort, sur le principe en tous cas. Le chef du groupe Front de Gauche à la Région rappelle que « les dominations du passé ne sont pas finies », que la « dette écologique s’aggrave tous les jours », comme par exemple pour le cas des agro-carburants. Il rappelle également que dette écologique et sociale sont inséparables. « La notion de dette écologique doit aider à trouver des réponses pour régler les problèmes d’aujourd’hui et non pas pour sauver le système actuel »! C’est bien le système global qui est à transformer, et intégrer la notion de dette écologique peut y contribuer. A la question comment la région pourrait-elle appliquer ce principe, il explique que le slogan de campagne du Front de Gauche « Solidaire-Ecolo-Citoyen » le porte déjà. L’idée générale est « d’arrêter de faire payer aux autres nos propres choix ». En terme de coopération décentralisée, l’idée est de créer autre chose que des rapports de domination, de convaincre plutôt que d’imposer.

Enfin, Cécile Duflot, chef du groupe EELV à la Région s’est opposée à l’idée largement défendue au cours de ce colloque selon laquelle la dette écologique ne serait qu’un concept « moral ». « La dette, ce n’est pas juste un concept moral, c’est une réalité! Ici, dans l’hémicycle, dans la rue ». Aujourd’hui, « les grands groupes agro-alimentaires imposent leur appropriation dans les pays du Sud ». Pour limiter ces comportements, des lois dures sont indispensables! Cela pourrait passer par une reconnaissance par la Région de ce principe. En défendant l’intégration de ce concept, il ne s’agit pas tant de payer les réparations, de compenser, de redistribuer, mais bien de penser à de nouvelles formes de relations internationales, de repenser le modèle productif, de poser la question de comment et pourquoi on produit. S’il ne s’agit pas forcément de payer la dette, il est cependant capital que l’existence de cette dette soit reconnue. Il s’agit pour elle de « reconnaitre cette dette pour la dépasser ». Elle défend que la région a un rôle important à jouer à travers sa coopération décentralisée, qui permet des actions bien souvent plus efficaces que celles d’Etat à Etat. Comment mettre en œuvre ce concept par la Région Ile de France ? Cécile Duflot propose notamment de renforcer les transferts de technologie en guise de reconnaissance de cette dette.

L’analyse de Pollux:

Bien que la complexité de la notion de dette écologique soit indéniable, il me semble indispensable de reconnaître cet état de fait : les pays du « Nord » se sont développés en partie grâce au pillage des ressources du « Sud ». Même si cette dette est difficilement quantifiable, et qu’il faut se garder d’une vision naïve et manichéenne condamnant le « Nord » dans son ensemble, face à un « Sud » entièrement victime, on ne peut nier que le Nord est redevable de quelque chose envers le Sud.

Faute de payer cette dette, les pays industrialisés devraient au moins se montrer plus généreux envers les pays en difficulté en guise de reconnaissance, plutôt que de mener des politiques permettant de continuer le pillage[4] et de nourrir conflits et corruption. Cela peut passer par l’annulation de ce qu’on appelle les « dettes odieuses », ou en commençant par respecter les engagements en terme d’aide publique au développement, en développant une aide à l’adaptation au changement climatique et à un développement propre qui soient généreux, et/ ou en accélérant les transferts de technologie ou encore en régulant davantage les firmes multinationales[5] et en luttant contre les paradis fiscaux. Cela permettrait de passer progressivement vers une politique d’aide (avec une idée d’asymétrie) à une véritable politique de coopération (d’égal à égal). Il est trop facile et trop lâche de se cacher derrière la complexité de cette notion pour le pas la développer et la rendre opérationnelle, sous quelque forme que ce soit. Si les générations actuelles n’ont pas de contrôle sur ce qui s’est passé auparavant, cela n’empêche que, dans leur vie de tous les jours, elles tirent profit de ce qui a été pillé.

L’argument de la rétroactivité de cette notion pour l’exclure du droit positif me semble bien faible. Certes, un abus de rétroactivité peut s’avérer dangereux. Mais des cas de rétroactivité dans la justice internationale existent, et la notion de dette écologique pourrait être assez légitime pour y faire appel. Les tentatives de calcul de dette écologiques, effectués par l’Université de Gland en collaboration avec des ONG donnent des sommes réellement significatives (pour la dette carbone de la Belgique, Olivier Deleuze parlait de 50 milliards d’euros, soit 25 fois l’Aide publique au développement annuelle du pays). Cependant, nous sommes encore loin de la situation où de telles sommes seront réellement versées, et restons, je le rappel, sur une reconnaissance de principe. Nous sommes encore loin d’être dans la situation de l’Allemagne post Première guerre mondiale avec ses « réparations » exigées alors par la France.

Quand à l’argument que cette notion n’entre pas du tout dans le droit positif, je soutien l’idée défendue par Leida Rijnhout à cette conférence que, si un concept est bon, les juristes sauront en trouver des applications juridiques.

Pour revenir à a question des responsabilités, il me semble un peu facile de dédouaner la majeure partie de la population des pays du « Nord » du fait que ce ne serait pas elles qui prennent les décisions. Evidemment, les plus gros responsables sont les entreprises multinationales, et les décideurs politiques, et ce sont eux qui devraient être tenus pour principaux responsables et payer pour cela. Cependant, les populations ne sont pas non plus dépourvues de tout moyen d’action. A travers leurs choix de consommation, leur vote, leur non-engagement politique, ils se rendent eux aussi coupable (dans une plus ou moins large mesure) de cet état de fait. Si tout le monde n’a certes pas les mêmes moyens d’agir, il me semble quand même que ne pas chercher à agir, c’est se rendre en partie coupable. Sur ce sujet, une prise de conscience rapide me semble indispensable.

Alors que la crise financière et d’autres facteurs commence à faire comprendre à l’Occident que son «règne» pourrait arriver à sa fin plus vite qu’il ne le croyait, il est temps qu’il mette son orgueil et sa mauvaise foi de côté pour reconnaître la contribution des pays du sud à son développement. Aujourd’hui, les sociétés du « Sud » cherchent en général à se développer sur le même modèle que l’occident, c’est-à-dire à partir d’une prédation lourde sur les ressources naturelles, l’environnement et les individus/ communautés les plus faibles. Des pays émergents (ou leurs entreprises transnationales), adoptent les mêmes comportements de néocolonialisme que l’Occident (par des pratiques d’accaparement des terres par exemple). Comment leur reprocher cela et les inviter à d’autres formes de développement et de coopération si nous ne commençons pas par reconnaître nos fautes et par montrer l’exemple d’un développement plus propre, au bénéfice de tous? La Région Ile-de-France a un rôle important à jouer pour lancer cette nouvelle dynamique, et la reconnaissance de la dette écologique dans ses principes d’action lancerait un signal fort dans ce sens.

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Classé dans Environnement Relations Internationales

Comment élargir l’engagement pour l’environnement au-delà des « convaincus » ?

A l’occasion de son WiserTuesday* le réseau WiserEarth** accueillait le mardi 25 octobre à La Ruche la journaliste et universitaire américaine Simran Sethi pour discuter des barrières psychologiques à l’engagement en faveur de l’environnement, sujet sur lequel elle s’apprête à publier un livre.

Paris, 26 0ctobre 2011

Encore peu connue en France Simran Sethi s’est déjà beaucoup illustrée aux Etats-Unis où elle a reçu de très nombreux prix et honneurs pour ses actions pour l’environnement. Après un MBA en « Sustainable Business » à San Francisco, elle s’est engagée auprès d’Al Gore pour sensibiliser ses concitoyens aux enjeux du changement climatique. Elle est actuellement professeur à l’Université du Kansas. Ses tournées de sensibilisation et le passage de milieux et publics urbains (San Franscisco, New York) aux milieux plutôt ruraux, principalement agricoles et Républicains du Kansas l’ont poussée à identifier et analyser les facteurs d’acceptation et de passage à l’action face à cette « vérité qui dérange ». Une expérience qu’elle nous raconte avec talent, et dont on peut retenir les éléments suivants :

Simran Sethi à La Ruche, Paris, 25 octobre 2011

  • Les mêmes actions/ consensus ne sont pas toujours motivés par les mêmes raisons.

Simran Sethi évoque la sortie d’un débat à propos d’une centrale à charbon. Une personne vient lui dire qu’elle l’a convaincue. Ce qui l’a touchée, ce n’est pas le changement climatique, face auquel elle reste perplexe, mais les problèmes d’asthme que provoque la centrale et qui touchent des membres de sa famille. A travers cette expérience (parmi d’autres), on comprend que, pour toucher les gens et les pousser à agir, il faut leur poser les bonnes questions, celles qui feront qu’elles se sentiront concernées. Bien formuler la question peut changer complètement la manière dont le public en question réagira au problème.

 

  • Les messagers et le contenu du message comptent. Une démonstration scientifique ne suffit pas à ce que les gens acceptent de croire et d’agir.

–          Parmi les militants écologistes, qui aurait accepté de croire ce même message, s’il avait été porté par une personnalité comme Dick Cheney, nous fait remarquer la journaliste? Il s’agit en effet de bien identifier son public : les agriculteurs du Kansas, très majoritairement républicain, n’ont aucune envie de croire et suivre un message porté par une personnalité comme Al Gore. Il faut donc chercher un messager qui leur soit acceptable.

–          Il s’agit également d’identifier ce qui, dans le public concerné, permettra de faire évoluer ce qui constitue la norme, ce qui sera considéré comme un acte gratifiant socialement et individuellement. Si devenir écolo devient « tendance » dans les grandes villes comme San Francisco ou si telle ou telle star d’un public jeune et progressiste se met au vert, rien n’assure que les agriculteurs du Kansas imiteront ces comportements. Au contraire, ils pourront s’opposer d’autant plus à ces pratiques que ceux qui les portent ne leur correspondent pas. Si on veut provoquer un changement de norme dans ce public, il faut là aussi qu’il soit porté par des personnalités qui leur ressemblent. On notera également que le changement de norme est principalement provoqué par des éléments de l’environnement proche (famille, amis, commune…).

–          Le contenu du message a aussi une grande importance. Un message, aussi vrai soit-il ne poussera en général que très peu à l’action si on il se situe loin dans l’espace et dans le temps, si il ne permet pas aux personnes de se sentir concernées Un exemple local, concret, qui touche la vie de tous les jours aura bien plus d’impact. Le message doit être « appropriable » par le public.

 

  • Faire comprendre que les questions environnementales ne se réduisent pas à « 10 gestes pour sauver la planète », mais nécessitent de repenser tout ce qui nous entoure: nos relations sociales, notre lien à la nourriture etc. Une solution sera d’autant plus porteuse qu’elle aura été pensée par le public.

–          En général, et surtout aux Etats-Unis, nous dit Simran Sethi, les gens sont habitués à répondre à une liste des tâches. Quel est le problème ? Quelles sont les solutions ? Or, si « les 10 gestes pour sauver la planète » répondent à ce type d’attente et de fonctionnement, ils ne permettent pas la démarche intellectuelle d’appropriation et de réflexion sur l’enjeu environnemental. Les 10 gestes peuvent de plus mener à des désillusions : j’achète du bio, comme on m’a dit, mais en fait, ça vient de Chine ; finalement, changer les ampoules ce n’est pas si simple que ça, et puis c’est plein de mercure… Ainsi, les meilleures solutions seront celles qui auront été réfléchies par les personnes intéressées elles-mêmes. Réfléchir ainsi aux solutions permet de déclencher une démarche plus large.

  • Comprendre le contexte de vie dans lequel on vient introduire l’élément « environnement » et l’intégrer correctement dans l’espace des préoccupations préexistantes du  public.

–          Des sondages ont montré la volatilité de l’importance portée à la problématique « environnement », selon l’actualité. Celle-ci peut attirer l’attention une année, puis la crise économique, ou la guerre, ou le chômage la feront passer aux oubliettes. L’environnement est en effet souvent considéré comme une donnée indépendante des autres. Or, il n’est pas difficile de montrer que ce qui constitue les principales préoccupations du public (emploi, guerre, santé…) et l’environnement ont un lien direct. Il est essentiel d’intégrer la donnée « environnement » dans les préoccupations quotidiennes des gens (en montrant par exemple qu’une politique climatique ambitieuse serait porteuse d’emploi et bénéfique pour la santé…). En bref, les individus ont généralement une liste de préoccupations déjà bien chargée, dans laquelle il n’y a pas toujours de place pour une donnée « supplémentaire » que constituerait la donnée « environnement ». Il s’agit donc d’intégrer cette dernière dans les préoccupations préexistantes.

 

  • Ne pas limiter le changement climatique et l’environnement au mot « danger », mais passer par d’autres canaux, ceux qui intéressent les gens : sentiments, relations aux autres, gestion du risque, responsabilité face au futur, projets de vie.

–          Dans le cas américain, la notion de liberté individuelle est capitale. Le discours écologique butte typiquement sur la « liberté de polluer », d’aller au fastfood ou de conduire mon véhicule. L’écologie devient pour certains le nouvel ennemi de la Nation, menaçant la liberté et la propriété individuelle. Il y a un enjeu essentiel à prendre ce phénomène en considération et de ne pas s’opposer frontalement à ce type de public, mais de trouver les bons mots et canaux pour leur montrer que leur liberté sera mieux défendue par la défense de l’environnement que par le refus de l’évolution de leur mode de vie actuel. La question des OGM serait un cas typique pour lesquels poser les bonnes questions (atteinte à la vie, à la liberté de semer, à la santé etc) pourrait permettre de faire passer et accepter le message.

Simran Sethi pose aussi la délicate question de la coopération avec les firmes transnationales, typiquement, dans son cas d’étude, Wall-Mart. Elle explique que, ayant été, au départ absolument opposée à tout ce qui avait trait aux entreprises géantes, elle a tout de même fait un MBA pour pouvoir comprendre et parler leur langage. Elle souligne que, aussi regrettable que cela puisse être, c’est essentiellement chez Wall-Mart que  se fournit la grande majorité de la population du Kansas, et que c’est pour cela qu’il est nécessaire que Wall-Mart se mette lui aussi au bio. Wall-Mart est trop puissant pour disparaître, il faut donc transformer Wall-Mart. Lourde tâche, mais nécessaire.

Enfin, sujet incontournable dans le cadre de ce WiserTuesdays, les nouveaux médias. De l’avis de la journaliste, si les « social media » constituent en soi peu de chose (ce n’est pas grand-chose que de cliquer pour partager un lien par exemple), leur influence n’est pourtant pas négligeable. Permettant à chacun de raconter sa petite histoire, de s’exprimer, de lire et d’ écouter celle d’autres, les réseaux sociaux permettent de s’approprier ce qui se passe dans le monde, d’agir, à son échelle certes, mais d’exister. Au fond, même s’ils se traduisent de manières différentes, tous les êtres humains sont mus par les mêmes besoins, sentiments et liens fondamentaux. Les réseaux sociaux sont donc un premier pas non négligeable vers l’engagement concret, car ils contribuent à s’approprier une problématique et à mieux explorer ce que celle-ci implique.

On retiendra donc de cette intervention et de cette expérience que l’humilité et la compréhension de l’autre, de ses préoccupations, de ce qui le motive sont essentielles si on veut élargir son public et convaincre d’autres personnes que ceux déjà convaincus.

A vous de jouer !

Pollux

*A propos de WiserTuesdays

WiserTuesdays@LaRuche sont des rencontres informelles où les acteurs de l’innovation sociale (développement durable, entrepreneuriat social, économie solidaire) explorent comment utiliser les nouvelles technologies (telles que le web 2.0) pour soutenir leurs actions solidaires.

**A propos de WiserEarth  – WiserEarth est un réseau social et un forum d’échange pour les centaines de milliers d’organisations non-gouvernementales (ONG), d’entreprises et d’individus qui s’engagent à créer un monde plus juste et participer à un développement plus durable. WiserEarth a comme objectif d’aider le mouvement à se connecter, à mutualiser nos ressources et développer des partenariats. Ensemble, nous pourrons ainsi apporter des réponses plus efficaces aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.

P.S. Les propos de cet article ne sont que l’interprétation de l’auteur et n’engagent que lui.

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